Back to top

Sous le règne de Bone

Voir plus de : 

Parcours d'un adolescent paumé et voyage initiatique... Roman de Russell Banks plein d'enseignements !

Puis j'ai commence ma tournée. Il me fallait vraiment de l'herbe. Ca faisait deux jours que j'avais pas tire sur un joint, et chaque fois que je reste si longtemps sans fumer je commence a flipper, je m'énerve contre le monde comme si les gens et les choses m'en voulaient et j'ai l'impression de ne rien valoir, d'être un raté complet - ce qui est d'ailleurs assez vrai. Mais il suffit d'une petite fumette et toute cette irritation, cet énervement et cette saleté de manque de confiance en moi s'évanouissent aussitôt. On dit que la marijuana rend paranoïaque, mais chez moi c'est l'inverse.
En réalité, les Adirondack Iron (...) étaient tous des connards incapables de se trouver des vrais boulots. C'est pour ça qu'ils passaient presque toutes leurs nuits saouls ou défoncés, et qu'ils roupillaient toute la journée ou bullaient sur la terrasse derrière l'appart (...)
Je me rappelle que juste avant de m'assoupir cette nuit-la - qui était la première de ce qui deviendrait ma nouvelle vie - je me suis dit que ce serait incroyablement cool d'avoir un véritable car en état de marche, d'arranger l'intérieur pour le rendre habitable et de parcourir le pays toute sa vie. On s'arrête quand on en a envie , on gagne un peu d'argent avec un petit boulot quelque temps et des qu'on tient plus en place on repart. On peut avoir des amis et des parents avec soi une partie du temps et rester tout seul à d'autres moments, mais fondamentalement, et c'est ça qui est le mieux, on est entièrement aux commandes de sa vie comme jadis les pionniers dans leurs chariots bâchés.
Quand on a passe la plus grande partie de sa vie à planer sous l'effet de l'herbe, il devient difficile d'être sympa quand on n'en a pas.
On est hors saison, jeune homme. Ca nous fait des prix super-bas. Et puis on a un forfait complet. Ca veut dire qu'on ne quitte jamais l'hôtel si on veut. Vous comprenez bien ? Tout ce que vous voulez, on vous le procure sur place, à l'hôtel. Vous me suivez, jeune homme ? m'a-t-il répété avec l'air de me faire des clins d'oeil et de m'envoyer des petits coups de coude.
Il tirait d'énormes bouffées, et sa tête était enveloppée par des nuages de fumée qui montaient en spirale. Le calice faisait des bulles et glougloutait, et la fumée que je prenais à distance suffisait déjà à m'envoyer dans les vapes. (...) Trop tard, je volais, le harem avait décollé, la fourmilière en bambou était dans les airs, le monde entier volait à travers l'univers connu et inconnu, dans le profondeurs de l'espace, là où aucun garçon n'a encore eut l'audace d'aller.
Je remarquais à quel point j'étais différent de ce que j'étais un peu moins d'un an auparavant. A plein d'égards, bien sûr, je restais le même mais les changements étaient réels et quand même étonnants. Surtout j'espérais qu'ils seraient permanents parce que, quels que soit la façon dont le choses tourneraient, je ne voulais jamais redevenir ce gamin triste et complètement paumé que j'étais encore un an plus tôt.

Pour aller plus loin

Utiliser cette image ? › Contactez-moi

up