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J313 /// La mort vivante

Je ne sais rien. Et c'est ça qui est bien. Rien d'autre que le fait qu'il fasse chaud et que ce soit enfin l'été, me rappelle ce sentiment de bien-être et de lâcher prise, comme l'insouciance juvénile que l'on peut, que je peux ressentir quand je suis en trip dans un pays tropical et qu'il fait bon vivre. Ça veut tout dire. Température et hygrométrie idéale pour les primates que nous sommes. Soucis et routines du quotidien mis dans une boulette de papier jetée par dessus l'épaule dans une rivière... J'y suis déjà. Je ne sais pas où. Ni quand. Ni comment. Rien. Le vide des possibles. Ce vide qui est tout. Le tout possible. Combi. Vélo. Marche. Asie, Amérique centrale ou Latine. Japon. Nouvelle K ou Australie. Je suis prêt, ou presque, à repartir, à entraîner et pousser mon corps à rejoindre mon esprit vagabond et fugueur, où bon lui semblera. Mais ce sera sans doute une apologie de la lenteur, comme une revanche sur tant et tant d'années sans trip, cloué dans une réalité merdique: celle de la mort. Et même pas la mienne en plus. C'eut été libérateur. D'un coup sec. Tandis que là, ça a mis du temps. La même lenteur dont je parlais tout à l'heure. Et pourtant, quand on y regarde de plus près, c'est juste une question d'acceptation. De notre nouvelle vie. De notre mort nouvellement révélée, celle qui nous accompagnera désormais partout, en nous chuchotant à l'oreille "tu n'as pas le temps". Le petit Polichinelle que la vie cachait dans le tiroir est enfin né. Le tabou est brisé, comme une jarre à secrets. A été brisé. Il est en pleine forme. Elle a six ans. Le plus douloureux, à part sa venue au monde, a été quand elle s'est fait les dents sur mes avant-bras ou mes mollets. Mais c'est à présent passé. Elle fut urticante , la petite garce. Mais à y regarder d'encore plus près, son véritable âge n'est pas si éloigné du mien. À peine quelques mois de plus que mon âge légal. Car, ce n'est pas ou plus un secret que vie est mort, se mélangent comme un yin et yang: l'un ne vit pas sans l'amour de l'autre. Pour l'ignorant, comme j'ai été, comme on m'a éduqué, dans la célébration artificielle et annuelle de la vie aussi bien que dans le secret et le non dit de la mort, ce couple inséparable est vu comme un verre à moitié plein, que l'on vide chaque jour, sans jamais parler de ce qui arrivera quand on aura tout bu. Ou renversé le verre. D'un coup. Schlop ! C'est parti d'un gros trou. Noir. Mais trop s'attarder sur les extrêmes est une perte de temps. De vie. Le mieux est sans doute de piquer une tête dans la mare de gris qui nous sert de présent, sans occulter le fait qu'elle n'est qu'un mélange plus ou moins accentué de blanc et de noir. Et ne pas y accorder plus d'importance qu'au reste: nous sommes des morts-vivants bien avant notre naissance. Le tout est d'avoir la force physique et mentale de continuer à marcher malgré le bruit de plus en plus présent de nos organes tombant au sol, vers notre propre mort...

légende : un chat squelette parle à un dessinateur sur sa table à dessin et lui chuchote "tu n'as pas le temps

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