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La sadhu visionnaire

Les habitants des cités urbaines étaient devenus réticents à venir me consulter en ce moment. Et ce n'était pas forcément pour me déplaire, car, à vrai dire, la solitude m'allait comme un gant. Depuis le confinement, je pouvais enfin reprendre une vie normale : celle d'un humble ver de terre creusant inlassablement le questionnement de la vie. On m'appelait l'ermite du futur, beatnik, ou tout simplement… l'homme des bois.

J'ai fais un rêve cette nuit : je livrais des aides humanitaires dans un pays que je ne connaissais pas… Un militaire peinait à manœuvrer son gros camion, empêtré dans un petit chemin boueux. Mon corps astral s'est détaché de mon enveloppe corporelle physique pour aller l'aider. Était-ce à cinq ou sept mille kilomètres ? Peu importe : le corps astral n'a que faire des distances physiques. Ces téléportations continuent de m'émerveiller : quand est-ce que la sacro-sainte science —et donc l'humanité— reconnaîtra-t-elle officiellement l'existence des corps multiples ? De l'âme ? De l'histoire énergétique de la planète entière inscrite en chacun de nos atomes, et qui fait de nous tous, animaux, végétaux et minéraux, un Grand Tout ? Leur "physique quantique" a ouvert une brèche sur les possibles… En fait, il suffit juste d'arrêter de penser avec le mental. Ressentir. Et commencer à voyager, avec le cœur.

Je n'ai même pas le permis poids-lourds ! La conscience collective m'a aidé de ce point de vue là, tout comme, comatant dans ma grotte, mon corps astral l'a fait avec le conducteur, le rassurant, lui donnant une vision clair de la situation. J'étais devenu ses rétroviseurs, son conseiller… son ange-gardien. Et en ce moment, la planète a besoin de nous. Elle a besoin que nous prenions conscience de nos erreurs passées et présentes et que nous changions de cap. Sans quoi l'humanité disparaîtra. Bon débarras pourrait-on se dire.

Mon ventre gargouille. C'est l'heure de manger. Je me lève. Mes orteils s'écartent en pénétrant dans la boue en contrebas de ma grotte. Il a plu. L'air n'a jamais été aussi pur. Du moins pas durant les quelques siècles derniers. Quelques brins d'herbes ici et là me donnent la rosée pranique de l'aube. Pure. Quelques salutations au soleil naissant dérouillent mon dos et mon bassin. Merci, soleil, de nous éclairer. Et de purifier notre air, et d'illuminer notre ère, fortement assombrie par ces siècles derniers.

Un virus serait la cause de tout ce chaos ambiant, selon les gouvernements. N'est-ce pas plutôt la connerie humaine, qui, soumise à la cupidité, dirige les foules par la peur grâce aux médias de masse, pour mieux les asservir ? L'homme est né libre. Et aura toujours le droit de dire non. Non à la bouffe industrielle morte, non à l'enfermement du corps physique et des consciences. Non à la peur panique. Non aux gouvernements liberticides. Et donc oui au biologique vivant et donc énergétique, à la liberté individuelle de mouvement et de pensée. Au choix de vivre debout. Digne. Même face à la mort. On a toujours le choix.

Je quitte mon bosquet en longeant l'herbe des bordures de routes qui me nettoie les pieds. Les citadins ont du mal avec les "hurluberlus" qui vivent presque nus dans la forêt, de cueillette et de mendicité. Une voiture s'approche derrière moi.

— Hey ! Ça va ? Je vous dépose ? me demande Lynete, une jolie rousse d'une vingtaine d'années, à la crinière indomptable. Toujours pleine de joie, sensible, mais parfois pleine de la naïveté des jeunes âmes.
— Salut Lynete ! Je veux bien. T'as pas peur des contrôles ?
— Y font chier avec leur répression à 135 balles ! Bah, on trouvera bien le moyen de discuter ! Allez montez !
— OK dis-je en ouvrant la portière de sa vieille deux chevaux
— Rien à foutre des contrôles ! ajoute-t-elle. De toute façon c'est n'importe quoi leurs histoires de confinement ! Ils sont en train de tuer plus de personnes que leur pseudo-virus avec leurs conneries !
— t'as bien raison ! Le petit peuple va mourrir à la place des petits vieux des hautes sphères… C'est un choix de roi.

Je tasse mon chilum de plantes sacrées.
— je peux fumer ?
— oui, ouvrez la fenêtre !

Les saveurs se mélangent en bouche, et subtilisent mon esprit.
— et vous ? me demanda-t-elle, vous en pensez quoi de toute ce touin-touin ?
— tu peux me tutoyer tu sais !
— oui oui, mais c'est que… euh… Vous… t… tu… tu es vieux non, vu la longueur de vos… de tes cheveux !
— ce n'est que le paraître. Sache regarder à l'intérieur des âmes, dis-je, en la regardant droit dans les yeux.
— oui, le… les âmes…
— mon avis ? La place des humains sur terre est celle que l'on mérite : il peut s'agir du pire comme du meilleur… pour l'humain ou la planète. De toute façon, quoi qu'on fasse à la planète ou à autrui, il nous sera rendu au centuple un jour ou l'autre. Simple loi des causes et effets. Le karma de l'homme et de la femme est-il de détruire, ou au contraire de préserver la planète ?
— tu penses que ce qui nous arrive est de notre faute ?
— oh toi, tu n'as rien fait d'autre que de grandir. Mais tu es maintenant en âge de devenir adulte, c'est-à-dire de prendre pleinement conscience des responsabilités de tes actes : tu peux choisir d'être le sauveur de la planète… ou son bourreau. Et donc la victime, un jour ou l'autre, des fausses bonnes idées de nos confrères primates.
— attend, mes confrères… primates ? T'es en train de me parler de… singes là ?
— les singes sont nos frères. Mais ont gardé la sagesse de ne pas trop penser. Au contraire, certains de nous pensent que le sort de l'humanité se réglera en inventant des concepts, matériels, molécules et autres choses artificielles comme des vaccins ou des bactéries produisant de l'insuline ou je ne sais quoi encore…
— et c'est… c'est mal ?
— le mal n'existe pas. Pas plus que le bien. Ce ne sont que des concepts, des séparations artificielles des pensées pour se donner bonne conscience, légitimer des actes immoraux et se faire mousser l'ego. Toute chose artificielle n'a pas sa place dans le monde. Cette pandémie est une bonne chose : elle…
— QUOI ? s'insurgea l'adolescente. Mais… il y a quand même plein de morts !!?
— oui, et c'est naturel, de mourrir quand on est vieux et en mauvaise santé
— mais, peut-être que ma grand-mère va mourrir, si jamais elle l'attrape !
— Si ta grand mère a bien agi durant toute sa vie, elle est en bonne santé. Sinon, alors elle apprendra la leçon et s'en servira peut-être pour vivre sa prochaine réincarnation dans le calme et la sérénité, en harmonie avec la planète.
— mais, t'entends quoi par… leçon de vie ?
— ou la leçon de mort, hein, c'est pareil… On ne peut pas aller contre sa vraie nature : l'humain est un primate, un animal qui fait partie intégrante de la nature. Il doit se nourrir, et même vivre comme un primate. On ne peut faire autrement.
— mais… attends… on ne va quand même pas passer nos journées à se gouinffrer de bananes et de cacahuètes ?
— ne t'arrête jamais aux clichés, aux extrêmes simplistes ou aux généralisations. Sois plus futée. Les primates mangent avant tout des feuilles et des légumes, frais, vivants. Puis des fruits et des graines, de saison, locaux, et enfin parfois des insectes, œufs ou petits animaux. Vivants ou quasiment. Et donc bourrés d'énergie.
— Beurk, mais c'est… c'est dégueulasse !
— ça peut le sembler, effectivement, car nous avons perdu la connexion avec le vivant : qui mange encore un burger en étant connecté à la vache dont provient son steak ? Nous devrions tuer les animaux de nos propres mains juste avant de les manger
— ah mais je ne pourrai jamais tuer une vache ! Et encore moins un lapin ou un agneau !
— Justement ! Physiquement parlant, tuer un animal plus gros que toi est risqué et difficile. Mais quelque soit la taille, en le faisant toi-même, tu te recueillerais davantage, tu le respecterais dans son combat pour vivre, et donc dans la mort. Les pêcheurs savent ça. Bref, manger de la viande outrance nous tue : regarde la majorité des bouchers : ils sont tellement gras qu'ils ne peuvent même plus porter leur propre graisse ! Les maladies du coeur sont un bon lit pour le Coronavirus, et tout un tas d'autres hôtes opportunistes.
— mon grand père est comme ça ! Il a douze stunts dans les vaisseaux ! Mais c'est héréditaire… On n'a pas de bon tuyaux dans la famille…
— l'hérédité n'a rien à voir là dedans. Tu dois couper tes liens avec tes générations antérieures ; tu es une âme dans un corps. Ton âme, qui agit sur ton corps, n'a rien à voir avec ton père, ta mère ou n'importe quel membre de ta famille, proche ou éloigné. Mais tes parents ont pu te transmettre des comportements, comme par exemple manger trop de viande et pas assez de vert. Heureusement, il n'est jamais trop tard pour changer… L'humain a profité du pacifisme des herbivores pour les rendre esclaves par la peur. Exactement comme ce que font les gouvernements en ce moment. La peur. De temps à autre, un taureau ou un cheval réduit un humain en galette, et on trouve encore le moyen de s'en offusquer. La nature se défend, et nous pousse à trouver notre vraie nature
— ouais… Je sais pas… Et c'est quoi, notre vraie nature, selon toi ?
— la pandémie, associée à la peur panique transmise par les gouvernements et les médias du monde entier, a stoppé l'emballement de l'humanité, et nous offre un moment de répit : nous pouvons prendre du recul sur l'humanité entière et imaginer le changement. Imaginer un nouveau monde. À construire ici même. Maintenant. Demain, il sera trop tard. Pour l'humain en tous cas. La nature s'en sortira toujours.
— simple à dire ! Mais tu veux qu'on fasse quoi ?
— vivre naturellement ! Simplement ! La sobriété joyeuse : se contenter de ce que l'on a. Est-ce normal de parcourir le monde en sillonnant les airs ? De faire le tour de la planète autrement qu'à pieds ?
— mais, j'ai envie de voyager moi !
— bien sûr ! Nous sommes faits pour bouger, et c'est essentiel : chercher notre nourriture, aller à la rencontre de l'autre, explorer le monde… à pieds ! Avec nos possibilités naturelles !
— ah ouais ? Comme toi ?… Pieds nus ? Tu veux faire du tourisme… pieds nus ?
— du tourisme certainement pas ! Mais aller à la rencontre de l'autre. Et donc de soi-même.
— Quoi ? Je ne te suis plus là ! Je me vois mal traverser l'Afrique pieds nus et torse-poil… enfin poitrine nue je veux bien ! Ha ha ha ! Mais en Russie par exemple, c'est juste impossible !
— t'as totalement raison : en tant que grands singes, le seul milieu dans lequel nous sommes à l'aise, dans lequel nous pouvons vivre, c'est les forêts tropicales : chaudes, humides et boisées. Dans les mégalopoles, les climats froids, sous des tonnes d'habits, coincés entre le goudron et les ondes de toutes sortes, sans sortir ou voir la lumière du jour nous ne faisons que survivre. Et c'est aussi ce besoin que met en avant cette débilité qu'est le confinement de masse : cette inadéquation dans ces habitats inhumains que sont les mégalopoles.
— ouais c'est clair ! l'hiver en ville, sans nature, sans soleil et dans le froid, c'est déprimant !
— et le printemps c'est l'extase ! Se ballader en forêt à cette saison me remplit de joie ! Car c'est là que je dois être. À Paris ou à New York, dès que tu mets le pied dans un parc, tu respires, ton corps vibre et tu te sens mieux car tu recharges tes batteries, ton énergie, tout en te débarrassant du stress. Les mouches savantes appellent ça la sylvothérapie…
— ouaiiiis ! C'est trop cool de venir te voir dans ton antre, en pleine forêt ! Mais bon… au final, quel rapport avec le virus ?
— j'y viens…

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